Toujours occupée avec ce client, Sakura semblait complètement gênée. Enfin, il n’était plus son client depuis qu’elle avait fini son service, pourtant, elle lui devait un service, comme à un client, en soi. Tout en discutant avec lui, quelque chose la surprit. Quoi donc ? Lorsqu’il lui parla des temps durs, signalant qu’il était rare qu’on lui tende une serviette. Pourquoi était-ce si rare ? Au Sun Café, les clients étaient pourtant bien traités. Après tout, rien de plus normal. La devise était « Le client est roi ». De plus, la demoiselle était loin d’être une brute sans cervelle, au contraire, elle était toujours joyeuse et ses collègues ne différaient pas énormément. Il ne devait donc pas être habitué à venir dans ce café. C’en était sûr et certain. Rares étaient les clients qui en sortaient mécontents ou en sortant de telles phrases. Peut-être était-il habitué à la dure réalité de la guerre et de la domination de Requiem. Cela serait sans aucun doute la meilleure des explications. En tout cas, c’était la plus fréquente. Lorsqu’il lui arrivait de discuter avec les habitués, ils répétaient sans cesse qu’ils en avaient marre de cette « domination ». Évidemment, la jeune Strife n’avait pas choisi ce café sans raison, elle y était notamment pour leur façon de penser. Tous avaient dans l’idée d’être libre et quelques fois Sakura rêvait qu’elle menait sa propre rébellion. Mais à quoi bon… Elle balayait rapidement ce songe.

"Ici, les serveurs et les clients habituels sont polis et n’oublient jamais les bonnes manières. Il n’est donc pas rare de se tendre une serviette ou un simple mouchoir. C’est commun…"

Par la suite, il lui proposa de boire le dit café ici-même. Ce serait sans aucun doute l’endroit le plus rassurant, en tout cas, pour la jeune serveuse. Elle savait qu’ici, elle pouvait exposer ses idées sans qu’un regard ne se pose sur elle et le client. Elle allait donc accepter volontiers de rester dans le Sun Café, sauf, évidemment, s’il désirait partir à tout prix. Après tout, c’était elle qui avait la gaffe, c’était donc lui qui devait se faire chouchouter, pour dire cela comme ça. Seulement, il semblait insister sur le fait qu’elle devait choisir elle-même. Tant pis, elle choisirait, alors, en espérant ne pas le décevoir.

"Disons que je suis habituée au Sun Café, mais si vous souhaitez aller ailleurs… C’est quand même vous qui avez subit les dégâts."

Finalement, la question fatidique tomba. Ce qu’elle souhaitait boire ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la demoiselle ne voulait surtout pas boire de café. Elle n’aimait pas en boire. Elle préférait de loin du chocolat chaud. Pourtant, il faisait si chaud qu’elle ne pourrait prendre du chocolat chaud. C’était donc décidé.

"Un jus de fruits me suffira amplement. Mais j’insiste, je veux payer… C’est vous qui devriez être dédommagés…"

Comment allait-il réagir ?

Un endroit où il fallait être le serveur pour avoir des boissons ? Quel genre d’endroit ça pouvait être ? La demoiselle ne savait pas très bien. Pourtant, elle cherchait, encore et encore, pour trouver la réponse par elle-même, mais rien ne venait. La prison ? Ce serait étrange qu’un prisonnier se balade comme ça en pleine rue et en liberté. Quel autre endroit pourrait être plus effrayant et froid que la prison ? L’armée ? Même à l’armée ça ne semblait pas aussi monstrueux. Des souvenirs qu’elle avait de ZAFT, la jeune femme n’était pas maltraitée et bien au contraire, elle s’y était fait des amis et entre amis, ils s’aidaient sans cesse, surtout pour une chose aussi futile que se servir à boire ou à manger. Alors quoi ? D’où venait ce client ? N’était-ce pas trop intime que ce genre de détails ? Pourrait-elle se permettre de poser une telle question ? Sakura n’avait pas tendance à hésiter bien longtemps. Elle était polie et bien éduquée, mais pas pour autant non curieuse. Et elle le savait, ça ne lui couterait rien de tenter de poser la question, au pire, elle serait confrontée à un « non », rien de monstrueux.

"Je suis sans doute trop curieuse et comme on le dit la curiosité est un vilain défaut, pourtant, je ne peux pas m’en empêcher. D’où venez-vous ?"

Oui, la jeune Strife était très curieuse. Mais au moins, elle l’admettait, c’était déjà une bonne chose. En fin de compte, ils se décidèrent enfin à rester, le jeune homme l’invitant à s’asseoir quelques secondes après. Apparemment, il ne devait pas être du quartier puisqu’il ne connaissait pas bien les environs. En visite ? Peut-être même qu’il s’agissait d’un rebelle qui était en pause entre deux missions. Si elle avait pensé à un membre de Requiem ? Certainement pas. Il était bien trop aimable pour ça. Le « radar » d’énervement de la demoiselle n’avait pas encore détecté de soldat infect. Evidemment, ce n’était qu’une idée toute faite de la jeune femme, elle ne pouvait pas dire rien qu’en voyant la personne qu’il s’agissait d’un membre de Requiem ou de la rébellion, et d’autant plus si cette personne ne portait aucun uniforme. Si ça se trouvait, il n’était qu’un simple civil.

"Vous êtes en balade ?"

Finalement, la jeune femme ne put s’empêcher de lâcher un rire. Pourquoi ? Lorsqu’il demanda un rhum, il prétexta qu’après tout, il était un homme. Pourtant, Sakura était persuadé que tous les garçons n’étaient pas fanatiques du rhum. Mais voilà, c’était marrant au fond, rien de bien méchant. Et certaines filles aimaient boire. Alors, ce n’était qu’un préjugé.

"Vous savez, je n’aime pas le rhum, mais je pense que d’autres filles oui et tous les garçons n’aiment pas le rhum."

Oui, la demoiselle disait sans avoir peur d’être « lourde ».