Alors qu'elle venait d'atteindre la plage, Adrian pressa le pas. Son but premier était simple ; elle devait mettre le plus de distance entre le vendeur et elle. Le moins qu'on puisse dire, c'était qu'elle ne passait pas inaperçue. Elle se retournait constamment, comme si on la suivait, ce qui était le cas mais ce qui attirait le plus le regard des baigneurs et des bronzeurs ne pouvait être qu'Adrian en elle-même. Il ne fallait pas oublier la singularité du personnage. La jeune femme, qui était un jeune homme aux yeux des autres, avait la peau très pâle, presque translucide. Ca ne la gênait pas particulièrement. Certes, la tendance voulait que pour être à la mode, il fallait être bronzé, avoir la peau mat et tant pis si le passage par les bancs solaires était obligatoire pour arriver à ce résultat. Ce ne n'était pas comme si elle y pouvait quelque chose, depuis son enfance et alors même qu'elle habitait à Cuba - qui ne manque pourtant pas de soleil - elle était blanche. Elle se souvenait que les pêcheurs la pensaient malades et étaient toujours étonnés de voir une fille avec autant d'énergie. Adrian aimait sa peau, elle lui donnait ce petit côté faible qui lui était tellement utile dans son 'travail' et qui trompait les autres dans la grande majorité des cas. Oui, elle aimait sa pâleur qui contrastait fortement avec la couleur de ses cheveux et de ses vêtements. Sa chevelure, bien que non visible dissimulée sous son béret, était d'un noir de jet. Quant à ses yeux, ils étaient bleus, un bleu parfois si pur qu'il donnait l'impression d'une cécité inexistante. Mise à part son corps, son style vestimentaire attisait aussi énormément la curiosité des autres autant lorsqu'elle se montrait en tant que femme qu'en tant qu'homme. Par exemple, en ces temps dits chauds, Adrian était totalement recouverte de la tête au pied. Un pantalon noir, un pull noir, une veste en cuir noir, un béret noir. Les gens devaient penser qu'elle mourrait de chaud là-dessous puisque le noir attirait les rayons du soleil mais ce n'était pas le cas. Elle avait tellement l'habitude qu'elle ne remarquait même plus cette chaleur.


Pourtant, ce n'était proprement pas le moment d'attirer l'attention. Agacée par les crétins qui la fixaient comme une alien, elle laissa éclater son mécontentement par un signe grossier du doigt - il n'est pas dur de deviner lequel - . Outrés, les vacanciers retournèrent vaquer à leurs occupations ou du moins à faire semblant, c'était déjà mieux. Mais comme elle avait osé défier le destin, celui-ci la remit tout de suite à l'épreuve. Une jeune femme, rousse, vint l'aborder. Exaspérée, Adrian ne cacha même pas son énervement soupirant grossièrement.

- Ouaaheuux ! Tu ne m'laisseras donc jamais tranquille ?, lança-t-elle en brandissant son poing vers le ciel tandis que ses yeux fixaient ce ciel limpide.

Que lui voulait cette potiche ? Elle n'en savait rien. Elle ne l'avait jamais vue, jamais croisée et donc jamais arnaquée...à moins qu'elle ne l'ait déjà oubliée ?

- Si c'est pour une plainte, je ne les prends pas. Je n'achèterai ni beignet, ni chapeau de paille. Je ne signerai pour aucune association caritative. Lâchez-moi les bask's.

Le visage émerveillé de la jeune femme démontrait bien qu'elle n'avait rien compris à ce que la brigande venait de lui dire. Dommage, elle n'avait pas le temps de perdre du temps. Sans prendre de gants, elle l'écarta de sa voie. Malheureusement, cela sembla qu'accentuer l'envie de cette jeune femme de lui parler. Elle parlait depuis plusieurs minutes déjà mais Adrian n'était pas concentrée le moins du monde. Elle pensait à autre chose. Le pigeon à qui elle avait refourgué la copie du sac ne l'avait pas suivi. Il s'était donc fait attrapé ? Tant pis pour lui. Adrian n'avait aucun scrupule à ce qu'il passe une journée en garde à vue à sa place, ça l'arrangeait même. Elle sourit à cette idée ; le voir s'écrier qu'il était innocent, c'était drôle et plaisant à la fois. Un sourire moqueur joua sur le visage de la jeune femme mais il s'effaça quand on lui agrippa le bras. L'avait-on rattrapée ? Impossible, elle n'avait rien remarqué et son instinct animale ne l'avait pas non plus aiguillée...mais c'était vrai qu'elle avait été distraite par cette rousse. La façon dont elle se dégagea le bras, c'est-à-dire avec facilité, lui indiqua qu'il ne s'agissait ni de la police, ni du vendeur mais qu'il s'agissait de cette rousse...qui tomba sur le sable. L'espace d'un instant, la voleuse crut comprendre le mot "vampire"...et c'est là qu'elle comprit ! Cette rousse devait être fan des vampires et pensait qu'elle en était une ! Mais bien sûr. Sautant sur l'occasion d'un nouveau coup, et il fallait dire pour sa défense qu'il était difficile de résister à un coup aussi facile, Adrian l'aida à se relever se confondant en excuse. Elle en faisait trop mais l'idiote était bien trop heureuse pour le remarquer.

- Si tu me rends un service, je te transforme en vampire. Est-ce que tu pourrais aller voir ce qu'il se passe en ville ?

Celle-ci acquiesça et sans attendre une minute, elle se dirigea vers la destination inverse à celle de mythomane. Mettant ce temps à profit, Adrian fouilla dans ses affaires et glissa le contenu de son sac à main dans sa poche...un téléphone, une portefeuille bien rempli...une bonne journée. Toujours aussi malhonnête, la jeune femme comptait s'éclipser quand la rousse revint en courant, l'avait-elle vu la dépouiller comme une idiote ? Non, c'était autre chose. Elle hurlait que la députée s'était faite attrapée par un vendeur car elle avait volé un sac. Ce n'était bien évidemment pas elle la coupable mais bien cette chère Adrian. Adrian qui détestait purement et simplement tout le monde politique. Elle les trouvait hypocrite, fourbe et laids. Certes, elle aussi mentait, elle était fourbe mais pas de la même façon. Dans tous les cas, elle ne pouvait pas résister à l'envie de voir cette Athaa coincée par sa faute. Elle retourna donc sur ses pas, main dans la main avec la rousse. C'était dangereux, inévitablement mais si elle se contentait d'observer derrière la foule, rien de grave ne pouvait lui arriver...toutefois pour plus de sécurité, elle cacha son butin bien à l'abris et envoyant un message à ses complices pour qu'ils viennent l'aider si ça tournait au vinaigre.

Désormais dissimulée derrière toute la troupe ameutée autours de la députée, elle souriait de malice. Il semblerait qu'elle n'aurait pas de journée de repos. Non, les citoyens désiraient tous la toucher, d'autres lui criaient des insultes...la rousse aussi, elle devait sûrement être jalouse de ce statut de princesse...

- La député est une voleuse !

Elle avait hurlé si fort que les autres s'étaient retournés...et voilà qu'elle se trouvait à nouveau à découvert.

- Pardonnez cet enfant mais ce qu'elle voulait dire, c'était plutôt que la député est une idiote !